Par Julien RAVELLO
Les deux délibérations qui nous sont présentées évoquent un sujet dont nous parlons peu : la mort. Et pourtant la mort fait partie intégrante de la vie.
Tout au long de sa vie justement, un ouvrier, une aide à domicile aura lutté pour la gagner et mourra en général bien avant un ou une cadre supérieur. Mais les inégalités ne s’arrêtent pas là, puisque la mort et le système funéraire sont devenus un véritable marché sur lequel des entreprises (parfois détenues par des fonds de pension) prospèrent. Aujourd’hui, le coût moyen des obsèques est de 3 800 euros, selon UFC-Que Choisir, et les prix n’ont cessé d’augmenter : 56 % depuis la loi Sueur de 1993, soit deux fois et demie plus vite que l’inflation.
Pour proposer une alternative publique et accessible, les villes de Lyon et Villeurbanne ont décidé de créer le syndicat des Pompes Funèbres Intercommunales de l’Agglomération Lyonnaise (PFIAL) puis la Société Publique Locale des pompes funèbres. C’est une bonne chose et cela permet à des familles modestes de bénéficier de solutions plus accessibles. Mais nous devons faire attention à ce que cette société n’adopte pas les comportements de ses concurrents. Présentée au départ comme une alternative aux opérateurs privés, le PFIAL a parfois été critiqué pour avoir repris les codes du secteur marchand, avec ses primes à la performance et objectifs sur le chiffre d’affaires.
D’autres initiatives émergent du côté de l’économie sociale et solidaire, avec des structures à but non lucratif comme les sociétés coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Le Kiff, alliance inter-territoriale de 10 accompagnateurs des innovations sociales, a lancé le programme « Epilogue » pour changer notre regard sur la mort et accompagner le développement d’innovation sociale qui agit pour les personnes endeuillées, le funéraire inclusif et la fin de vie.
Ces initiatives sont essentielles, mais d’autres solutions existent et avaient été même imaginées lors de la création de la Sécurité sociale en 1945. Chacun et chacune sait que la disparition d’un proche est une épreuve qui prédispose à l’insécurité. Il est très difficile de comparer les prix dans un moment pareil, ce dont les entreprises du privé profitent largement. Parce que les endeuillé·es ne sont pas des clients comme les autres, et parce la mort n’est pas un choix, les funérailles devraient être totalement prises en charge par la société. C’est d’ailleurs la proposition du collectif “Une chose Commune – Pour la sécurité sociale de la mort”.
Ainsi, une Sécurité sociale couvrant le décès, par la cotisation, l’universalisation, l’automatisation des aides existantes et une assistance administrative gratuite aux familles, permettrait d’abolir la logique de rentabilité pour les agents funéraires, et redonnerait du sens à leur travail. Comme cela existe déjà dans le secteur de la santé, le conventionnement des entreprises par les caisses gérées paritairement par les agents et les familles, permettrait aussi la prise en compte de la préoccupation écologique. Pour les vivants, ce serait la garantie que leur mort ne sera pas une charge financière en plus de la charge émotionnelle pour leur famille. Pour les endeuillé·es, riches comme pauvres, ce serait le soulagement de pouvoir donner des funérailles dignes. Autant de perspectives de solidarité dans les circonstances les plus funèbres.
En attendant la 6ème branche de la sécurité sociale couvrant le décès, nous voterons pour ces délibérations.