Récit d’une journée par Agathe Fort, Adjointe déléguée aux luttes contre les discriminations
Vers mes 8 ans, j’ai compris que j’étais une fille, dans le sens sociologique du mot. Et que ça impacterait de façon injuste toute mon existence. Depuis, je n’ai cessé d’essayer de comprendre, de me rebeller, de lutter. Alors aujourd’hui, même si j’aimerais que cette journée soit devenue inutile, en tant qu’adjointe en charge de la lutte contre les discriminations à Villeurbanne, c’est un réel plaisir de pouvoir soutenir et valoriser toute la journée des initiatives féministes pour touteS les femmeS. J’ai souhaité que cette journée soit tournée vers les vécus de femmes, celles que l’on n’entend pas. Celles qui en plus de subir le sexisme, subissent d’autres discriminations ou des inégalités sociales. Je voulais montrer la réalité de ce qu’est l’intersectionnalité, et redonner la parole aux premières concernées. C’est parti pour le récit de cette journée !

11H : Visite guidée de l’exposition “Nous voulons une réelle égalité” issue de l’étude de Mme Ekaterina Panyukina , doctorante en sociologie pour Villeurbanne, avec un travail photographique qui donne la parole à des femmes du quartier Cyprian-Les Brosses sur leur vécu des discriminations. Cette exposition est très pertinente pour comprendre le racisme genré, ce racisme qui voudrait que le sexisme n’existe que dans certains quartiers, ou ne soit produit que par une catégorie de la population. Le féminisme ne doit pas être à l’origine d’une poussée du racisme ; nous devons lutter sur tous les fronts en même temps ! Le sexisme traverse toute la société. La territorialisation ou la racialisation du sexisme sont des erreurs majeures, qui permettent de cacher l’ampleur des discriminations contre les femmes, voire de les renforcer. C’est notre système entier qu’il faut repenser, car le sexisme est partout, tout le temps, de façon impensée et la plupart du temps sans intention de nuire. Percutant ! Visite virtuelle à venir.

12H : Visite du CHRS Point Nuit. C’est un lieu d’hébergement d’urgence pour femmes seules en difficulté, parfois sans papiers. Mais ce n’est pas qu’un lit qui est offert, c’est tout un accompagnement social, un soutien global qui sont apportés. La cogestion et l’implication des concernées sont au cœur du projet de ce CHRS, avec notamment un travail autour de l’expression de ces femmes, la création d’un livret, mais aussi l’écriture d’une charte de règles écrite par toutes et tous. Nous avons eu la chance de déguster un délicieux buffet préparé par les occupantes, je me suis régalée ! J’ai fait de merveilleuses rencontres, et j’espère que Villeurbanne pourra continuer à être un territoire d’accueil pour ces structures.

14H : Cité de la gastronomie pour la présentation du programme “Des Étoiles et des Femmes”. C’est un beau projet porté par Tissu Solidaire sur Villeurbanne. Cette association utilise les savoir-faire manuels pour tisser du lien entre personnes exilées et résidentes, et favoriser le retour à l’emploi. Dans ce programme, 12 femmes habitant en quartiers prioritaires seront formées au CAP cuisine auprès de chef.fes gastronomiques, en un an au lieu de deux, elles sont courageuses ! La spécificité du programme réside dans l’accompagnement socioprofessionnel, dans l’aide à l’accès aux droits, mais aussi dans le développement des potentiels. J’ai hâte d’aller goûter leur cuisine !

15H : Signature dans les locaux de Viffil du protocole de mise en sécurité des femmes victimes de violence, quand l’éviction du (ex)conjoint n’est pas possible. Signé entre la Préfecture, les Procureurs de Lyon et de Villefranche-sur-Saône, la Maison de la Veille Sociale, l’association VIFFIL-SOS Femmes, l’association ACOLEA, l’association LAHSO, et l’association Fondation AJD, il établit une coordination ambitieuse des différents acteurs autour des femmes victimes de violences familiales, et surtout dans le respect de ces femmes. Viffil se définit dès sa création comme une association spécifique de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants dans le cadre de la sphère privée. L’association fait de l’hébergement mères/enfants, et de l’accompagnement vers le logement, de l’aide aux victimes, avec des permanences décentralisées d’accueil et d’écoute, et notamment une permanence quotidienne pour les victimes au commissariat de Villeurbanne. On n’oublie pas le 3919 pour tout renseignement, ou aide, qu’on soit victime ou proche !

16H : Atelier de confection de protections hygiéniques durables au Bureau Information Jeunesse, avec GAELIS et les Serviettes se mettent au vert. Elles sont en tissu et réutilisables, super faciles à faire ! Plus de 15 millions de femmes ont leurs règles en France, dont 1,7 qui manquent de protections hygiéniques : c’est une vraie lutte sociale et féministe. Plusieurs initiatives émergent sur notre ville, plusieurs expérimentations, ce qui permettra à chaque femme de pouvoir trouver sa protection hygiénique adaptée, à prix abordable. Les choses bougent dans ce domaine et c’est tant mieux !

18H : Atelier d’autodéfense féministe, en visioconférence, couvre-feu oblige ! Invitée par Filactions, j’ai participé à une formation Stand Up sur le harcèlement de rue : le reconnaître, avoir des outils pour s’en sortir ou aider une personne à s’en sortir, et la méthode des 5D (distraire, déléguer, documenter, diriger, dialoguer), très utile ! Je vous la recommande vivement ! Le harcèlement de rue (qui se produit dans tous les lieux publics, et non pas que la rue) a des effets dramatiques sur les victimes. Pourtant, on peut facilement le faire cesser en s’y mettant ensemble. Allez, on fonce ! L’association Filactions a la volonté de mener des actions publiques sur le thème de l’égalité entre les sexes. Elle est spécialisée dans la lutte contre les violences sexistes et notamment celles que l’on nomme conjugales. Elles sont un véritable fléau social, et un grave problème de santé publique qui traverse tous les pays. Elles existent dans un contexte de discriminations et d’inégalités femmes-hommes. Il est nécessaire de rendre visible et d’expliquer ce phénomène auprès de chacun.e, car la méconnaissance des processus entraînant ces violences favorise leur reproduction.

Et comme je n’en avais pas assez, j’ai fini ma journée en regardant le superbe documentaire Woman, réalisé par Anastasia Mikova et Yann Arthus-Bertrand, diffusé sur France 5. Les cinéastes ont collecté les témoignages de 2 000 femmes, célèbres ou non. Elles ont tous les âges, tous les visages. Elles parlent d’elles et de leurs drames : le viol pendant la guerre, les agressions sexuelles, le mariage forcé. Elles évoquent aussi leur vie de couple parfois chaotique, leur rapport à la maternité, à la sexualité, à leur corps, au bonheur, à la réussite professionnelle. Ce projet mondial, tourné dans cinquante pays, offre un portrait intimiste de celles qui représentent la moitié de l’humanité…
Que de belles rencontres, que de beaux projets ! Je termine ma journée plus motivée jamais ! On va y arriver à cette réelle égalité, c’est sûr ! Et pour TOUTES !
Encore quelques “journée de la femme” ou “journée des droits de la femme” et quelques territorialisations et racialisations du sexisme, mais les femmes sont au taquet !
Quelques ressources :
https://www.tissusolidaire.org/fr/