Par Julien Ravello
Le dispositif que vous nous proposez de voter est nouveau puisqu’il concerne les petits délits, mais le maire peut déjà, avec son pouvoir de police, entreprendre un rappel à l’ordre pour des faits qui troublent l’ordre public. Nous tenons à souligner que ces rappels à l’ordre semblent plutôt efficaces puisque 65 % des personnes concernées ne récidivent pas. L’expérimentation dont il est question ici touche d’autre type d’infractions, mais elle permet d’associer, en amont de la réponse judiciaire, des éducateurs sociaux en lien avec la famille si la personne est mineure. Nous avons cru comprendre qu’un travailleur social, en l’occurrence un éducateur de la PJJ, avait été recruté pour ce travail, et nous serons toujours favorables aux réponses de prévention et d’accompagnement, surtout lorsqu’elles permettent que les petits délits ne se transforment en crimes par manque de prise en charge. Traiter des délits mineurs avec ce dispositif en lien avec la PJJ nous paraît donc être une très bonne idée.
Je dis “paraître”, car lorsque nous avons vu cette délibération dans l’ordre du jour, nous nous sommes quand même posé plusieurs questions, et nous arrivons à ce conseil avec plusieurs points d’attention et de vigilance. La sanction ne doit jamais exister sans prévention. En matière de sécurité d’ailleurs, nos maître-mots sont dans l’ordre, prévention, médiation, dissuasion, et sanction si nécessaire. Mais n’oublions pas que les problèmes de sécurité sont avant tout des problèmes sociaux, et sans solutions apportées à ces problèmes sociaux, nous serons toujours confrontés à des problèmes de sécurité. Nous devons donner espoir, apporter une vision, un projet commun, créer du lien social et des conditions de vie dignes pour toutes et tous.
Les réponses à apporter sont donc aussi d’ordre social et économique. Il faut que nous mettions en place des mesures conjointes, avec bien sûr le renforcement de la police de proximité, les éducateurs de rue, mais aussi un soutien dans le cursus scolaire et la limitation de l’absentéisme, la possibilité d’accéder à toutes les formations qualifiantes (le professionnel, l’apprentissage, l’alternance…) et à l’emploi. Pour les jeunes en réelle difficulté et sans travail, le RSA jeune, même s’il est bien sûr insuffisant pour vivre dignement, va dans la bonne direction. A l’échelle nationale, nous sommes pour la légalisation contrôlée du cannabis puisqu’elle aidera à la disparition du marché souterrain actuel qui prospère sur la misère.
Le travail social doit aussi se combiner avec une police de proximité qui connaît son quartier et ses habitants et habitantes. Nous appelons de nos vœux à ce que les recrutements récemment décidés au sein de notre police villeurbannaise permettent des missions de paix et de concorde, en bonne intelligence avec les travailleurs sociaux, plutôt que de contrôle et de répression. Je vous signale au passage une petite question de sémantique, qui n’est cependant pas anecdotique. Je sais que l’on entend partout que la police est désormais une force de l’ordre, mais nous devons prêter attention à ne pas rentrer dans ce jeu, et nous pensons préférable de les nommer « gardien de la paix » car c’est avant tout à la paix que nous aspirons.
Je tiens également à nous alerter collectivement sur une dérive inquiétante : au niveau local, le recul de la police nationale sur les missions de proximité a laissé place à un recours croissant des maires aux polices municipales. Ironie de l’histoire, les policiers municipaux dédiés aux missions de proximité finissent par réclamer les mêmes attributions que la police nationale.
Nous serons donc attentifs et attentives aux suites données à ce dispositif. Il doit durer un an ; il faudra donc l’évaluer avant son terme pour prendre une décision éclairée sur son potentiel renouvellement. On peut par exemple prévoir une évaluation à 6 mois, à laquelle le Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) serait pleinement associé.
Je terminerai par cette citation de François Delapierre : “La lutte contre la délinquance est une question confisquée, entre emballements passionnels et hold-up technicien. C’est pourtant une question politique dont le peuple doit pouvoir débattre pour décider.”