Par Agathe FORT
Présentation de la délibération
Je vais vous présenter les rapports en matière de lutte contre les discriminations, et en matière de handicaps ensemble. Je sais qu’il y a des interventions pour les deux mais je vais vous faire une seule présentation. Parce que fabriquer la ville inclusive, c’est d’abord ne pas discriminer. A terme, ces 2 rapports fusionneront, mais pour l’instant, il est encore judicieux de les scinder au regard des différentes politiques publiques mises en place, et de l’environnement associatif.
Pour commencer, rappelons quelques chiffres. L’année 2023 est marquée par une très forte augmentation des actes racistes (+ 32 %) , une explosion des actes antisémites (+ 284%) et 57 % d’augmentation des agressions islamophobes, dont 75% visent des femmes. Les infractions anti-LGBT+ enregistrées augmentent de 13 % . 85% des personnes transgenres ont déjà été agressées au cours de leur vie. 213 000 femmes victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint chaque année. Dans 91% des cas de violences sexuelles, les femmes connaissent les agresseurs. 1 femme sur 6 fait son entrée dans la sexualité par un rapport non consenti ou désiré. 80% des femmes handicapées ont été victimes de violences.
Au 10 novembre 2024, on dénombrait 117 féminicides depuis le début de l’année.
Et là, je ne vous parle que des violences recensées, aucun chiffre sur ce qui est caché, ou tu. Nous savons que ces chiffres sont certainement plus graves encore.
Et je ne parle pas non plus de toutes les inégalités vécues, des discriminations subies, et de toutes les conséquences sur les conditions matérielles d’existence des personnes concernées, et sur leur santé physique ou mentale.
A Villeurbanne, nos principes d’action restent les mêmes depuis plus de 20 ans : observer, visibiliser, former et se former, agir, transformer.
Nous ne pouvons pas nous satisfaire de lutter contre les préjugés. Oui, il est mal d’être raciste, il est mal d’être sexiste, lgbtphobe ou validiste. Mais après avoir dit cela, alors quoi ? Les chiffres sont là, les réalités sont là. Et elles ne changent pas. Ces idées humanistes, sur lesquelles la plupart d’entre nous seront d’accord, ne changent pas les faits, ne changent pas les existences des personnes concernées.
Les préjugés viennent nourrir un système d’inégalités, le justifier. Mais les préjugés ne le créent pas. Les inégalités existent, puis on les justifie par un ordre symbolique et de représentations. Quant aux violences, elles permettent de faire taire les victimes, de les empêcher de se rebeller ou de tenter de changer les choses. Tout ce système symbolique de représentations et de violences, qu’on appelle dans les sciences sociales la superstructure, n’existe que pour faire perdurer les inégalités matérielles et les organisations, c’est-à-dire les infrastructures. On peut d’ailleurs constater que ces procédés symboliques évoluent au cours de l’Histoire, alors que les inégalités, elles, perdurent.
Pour arriver à l’égalité réelle, il faut construire l’égalité réelle, pas seulement la penser.
Nous devons requestionner nos organisations collectives, regarder nos processus, et changer les choses. Concrètement.
C’est ce que nous nous efforçons de faire à Villeurbanne, à chaque fois que nous en avons l’occasion.
Nous gardons nos actions pilier :
- Le travail sur l’égalité professionnelle interne, que je coanime avec Olivier GLÜCK ;
- Le réseau de vigilance de lutte contre les discriminations au logement et à l’emploi, qui s’articule avec les projets de Mathieu GARABEDIAN en matière d’accès aux droits
A ces piliers, nous ajoutons des briques d’égalité dans l’ensemble des politiques publiques municipales dont voici quelques exemples:
- Lors de CFC 2022 nous avons travaillé à ces sujets, et cela abouti cette année à la signature de la Charte contre les violences sexuelles, sexistes et discriminatoires lors des événements culturels et festifs, qui nous permettra de consolider les acquis et d’enrichir nos actions.
- Lors de la mise en place du LAPI, nous avons travaillé de façon étroite avec les associations et Pauline Schlosser, pour éviter la discrimination des personnes à mobilité réduite.
- L’organisation de la première semaine de lutte contre les violences faites contre les femmes, pensée et organisée avec Christine Goyard-Gudefin, que nous renouvelons cette année : beaucoup d’événements auront lieu la semaine prochaine sur notre territoire.
- La signature du nouveau plan contre les LGBTphobies la semaine dernière en Préfecture en présence de M. le Maire.
Je ne vais pas continuer ma liste, le sujet des discriminations et les besoins identifiés sont tellement vastes, que je pourrai vous en parler pendant deux heures, mais je crois que l’ordre du jour de ce conseil municipal est déjà bien chargé.
Alors je finirai sur les deux gros projets qui arrivent dans les prochaines semaines.
Le 29 novembre aura lieu le séminaire de lancement de notre nouveau plan d’actions villeurbannais sur les discriminations et la santé : comment les personnes sont discriminées dans l’accès aux soins, mais aussi ce que produisent les discriminations vécues dans tous les domaines de la vie sur la santé des personnes. Vaste programme.
La poursuite du travail partenarial avec les associations pour la création de la Maison de l’égalité et de la Lutte contre les discriminations. Après plus de 90 entretiens auprès des différents acteurs et actrices de la LCD pour recueillir leurs besoins, ainsi que plusieurs temps de croisement des différents réseaux associatifs afin de monter en compétences collectivement, nous allons commencer le travail d’écriture, de concrétisation du lieu. Les associations de défense des droits de la non-discrimination plébiscitent cette Maison et son potentiel. Nous débutons donc la phase de prototypage.
Je suis confrontée régulièrement à des frilosités quant aux mots employés : par exemple le mot discrimination, ou encore racisme, ou l’ expression « lié l’origine supposée ». Et pourtant, ce sont des termes légaux. La loi n’est ni militante, ni extrémiste. Il reste important de nommer les choses avec les mots adaptés, en particulier s’il s’agit de concepts, sinon la réflexion collective en est biaisée, et appauvrie.
Malheureusement, l’actualité nous le rappelle sans cesse, les idéologies racistes se nourrissent de notre méconnaissance, et de nos approximations : évidemment l’élection de Trump avec toutes les conséquences potentielles au niveau mondial, mais aussi la réalité de l’extrême droite en France qui gagne du terrain dans les urnes. Jusqu’à quand arriverons-nous à faire barrage ? Ces idées nauséabondes sont étalées dans tous les médias, l’extrême droite française pavane dans les manifestations contre l’antisémitisme sans honte, elle inonde les réseaux sociaux de ses idées ; à tel point qu’on croirait presque que la mémoire collective a oublié que c’est le racisme et l’antisémitisme qui sont deux des piliers de cette idéologie ! Nous allons devoir nous dresser contre les idéologies d’extrême droite qui poussent partout.
Toutes les actions de ces deux rapports participent à la construction de l’égalité réelle, pour toutes et tous, sans approximation, ni déni.
Je reste à votre disposition pour toute information complémentaire.
Prise de parole après les interventions
Je vais me permettre de vous apporter quelques précisions sur ces politiques handicap, comme je l’avais mis dans un champ plus large.
En ce qui concerne l’accessibilité, nous avons quand même deux endroits où nous pouvons travailler ces questions. On a la Commission d’accessibilité qui vient travailler les permis de construire, les autorisations de travaux, qui valide le fait que les lieux soient accessibles. Donc c’est un élément important du travail de la ville. Et le Conseil consultatif ville, autonomie et handicap. On travaille avec les personnes concernées au plus proche de leurs besoins, qui nous font remonter effectivement les difficultés actuelles. Et on travaille au mieux avec la Métropole avec qui on travaille en articulation pour améliorer cela, c’est assez compliqué étant donné que les travaux changent assez régulièrement, et donc les aménagements qui vont avec sont en permanent changement. Donc c’est vrai que c’est un sujet sur lequel nous travaillons, qui nous prend du temps et je suis d’accord qu’on n’y est pas tout à fait dans la vie réelle.
Pour autant, le handicap on essaye aussi de le voir de façon assez large. Vous m’avez interpellée sur l’emploi. Lors de notre rapport de situation comparée trois critères de l’année dernière, le handicap était un des trois critères que nous avions retenu : genre, handicap, et origine supposée, donc on l’a regardé dans les détails. On a beaucoup de chiffres, on y travaille sérieusement.
D’ailleurs la commission interne de contribution à ce sujet a décidé de faire un nouveau groupe de travail sur les parcours des personnes en situation de handicap, qu’elles le soient au moment de l’embauche ou qu’elles le deviennent, pour permettre de fluidifier leur parcours. Et quand on va faire le travail sur le recrutement, c’est un des critères auxquels on fait attention, de bien recruter des personnes qui sont déjà en situation de handicap afin que nous chiffres soient au plus juste de la représentation de la population, et pas seulement que nos personnes en situation de handicap soient des personnes devenues en situation de handicap lorsqu’elles étaient déjà embauchées par la mairie.
Voilà, je ne dis pas qu’on est mauvais, je dis juste que ça va être un point d’attention particulier.
Je tiens à souligner les efforts de la ville : le handicap fait très peu partie de nos compétences obligatoires. Donc on a une politique volontariste sur le sujet. Je rappelle qu’on va finaliser notre AD’AP pour la fin du mandat : on fait vraiment figure de bon élève au niveau national. La charte contre les violences sexuelles, sexistes et discriminatoires dont je vous ai parlée, on va l’élargir aux événements sportifs, c’est aussi un des projets à venir pour que le sport et l’ensemble des activités soient accessibles et safe, comme on dit aujourd’hui, pour toutes et tous.
Et puis on va, au sein du Conseil consultatif ville, autonomie et handicap créer un groupe de travail. Il débute tout juste, on va avoir la prochaine réunion du Conseil consultatif au mois de décembre. On va leur proposer la création d’un groupe de travail sur l’éducation parce qu’on sait que c’est un point noir aussi pour les élèves en situation de handicap, sur lequel on essaye de travailler et on va avoir besoin de travailler avec d’autres partenaires extérieurs à la ville et donc notamment aussi avec évidemment le service éducation de la ville. On va ouvrir un autre gros chantier sur lequel les villeurbannais et villeurbannaises nous attendent.