Par Mathieu GARABEDIAN
Présentation de la délibération
Nous souhaitions commencer par l’écoute d’un témoignage :
Recueil d’un témoignage auprès d’une personne du Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) de Forum Réfugiés dans le quartier des Brosses
« Moi c’est Dilont, je suis congolais de Brazza et je suis arrivé en France en septembre, drôle de date. Je suis venu à Paris, sans connaître personne. J’ai pris un billet d’avion, je me souviens très bien, je suis descendu à Beauvais et de Beauvais j’ai pris le bus. Je suis descendu à Porte Maillot et là, je me souviens il était 20h ou 21h, et je ne savais plus quoi faire en fait. Parce que je me suis dit « Bon, OK je suis là, mais je fais quoi maintenant ? ». Je connaissais personne, j’ai dû… errer dans les gares, dormir dans les gares, pendant un petit moment ; enfin, un petit moment, deux mois. Jusqu’à ce que je rencontre des gens de mon pays. Je les ai trouvés comme ça à la gare du nord, parler en langue de chez nous et j’ai compris que c’étaient des gens de mon pays. Je leur ai exposé mon problème : je leur ai dit que je ne connaissais personne, que je n’avais nulle part où prendre des douches, des vraies douches, nulle part où dormir et tout… Ils m’ont dit : « Voilà, par rapport à ta situation, il faut faire une demande d’asile. ».
On est venus ici, au CADA. Et c’était vraiment… c’est quelque chose de… différent parce que, on va dire, pour la première fois depuis un endroit où je pouvais dire, « Je peux dormir trois, quatre, cinq nuits de suite. ». Et c’était bien, mais bizarre. C’était bizarre parce que vous savez, le corps s’habitue à toutes les situations et quand les mauvaises situations deviennent la normalité, et que voilà, un jour, quelque chose de bien vous arrive, savoir que je me réveille au même endroit, et tout… j’ai pas froid… voilà, c’était compliqué mais bien, très bien même. Et c’est ce qui est arrivé peut-être la première semaine, j’étais bizarre. Déjà parce que vous vous réveillez un matin, vous n’avez personne à qui parler. Si vous avez une télé c’est bien, parce que ça fait passer le temps aussi, mais si vous n’avez pas de télé, vous êtes là… Vous pouvez passer deux jours, trois jours, vous ne prononcez par un seul mot, en tout cas si vous n’appelez personne au téléphone. Vous pouvez passer deux-trois jours sans prononcer un seul mot. Et c’est bizarre quand même !
Après au début j’ai peut-être… parce que j’avais des membres du CADA qui venaient, qui me demandaient si ça allait et tout, mais c’était les seules personnes à qui je parlais. Au fil du temps, j’ai rencontré des gens parce que derrière, il y a un petit terrain de basket. Il y avait des jeunes comme moi qui jouaient et un jour je suis descendu pour les regarder jouer, ils m’ont proposé et voilà, c’est à partir de ce jour là que j’ai commencé à me faire, on va dire, des amis. On s’appelle, ouais ou s’appelle souvent, on se voit peut-être quand on a le temps, on se voit oui. Quand vous arrivez dans un endroit où vous n’avez pas de repères, c’est vraiment compliqué. »
Créer des repères, se faire des amis, trouver une place dans sa ville, c’est ce que le témoignage de Dilont qu’on vient d’écouter nous apprend, nous incite à imaginer comme politiques publiques inclusives pour lui et tant d’autres à Villeurbanne. Et Villeurbanne, son histoire, c’est d’avoir toujours été une ville d’accueil, une ville d’inclusion. On a la devise attachant, officieuse de Villeurbanne, « Venu d’ailleurs, devenu d’ici » du précédent maire de Villeurbanne, M. Jean-Paul Bret qui forcément résonne sur toutes les actions qu’on peut mener sur ce type de politiques publiques.
Aujourd’hui je suis assez fier de présenter ce rapport qui écrit une nouvelle page de cette histoire, une histoire qui commence il y a déjà quelques années, il y a cinq, six ans avec le Jury Citoyen. Une démarche politique, citoyenne, où des habitants ont pu imaginer des actions à construire sur la ville pour mener des politiques d’accueil et d’inclusion. Dans ce rapport il y en avait une qui était de renforcer le concept de citoyenneté de résidence pour que les personnes, et je cite : « quel que soit leur statut, accèdent aux instances participatives locales et puissent symboliquement avoir la remise d’une Carte de citoyenneté ».
C’est un projet qui évidemment, avec Antoine PELCÉ et Agathe FORT, on a commencé à imaginer depuis le début du mandat, qu’on a travaillé avec nombre d’associations, de personnes qui pourraient être intéressées, concernées, et ça a mené jusqu’à aujourd’hui à la présentation d’une charte et de la Carte de citoyenneté locale de Villeurbanne.
Le principe de citoyenneté de résidence, de citoyenneté locale, ce n’est pas un principe nouveau fondamentalement. Il est en fait issu de la création de la République, puisque les révolutionnaires dès 1789 dans la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen et puis ensuite pour la Première République, avaient imaginé que finalement, étaient citoyen les personnes qui participaient au projet politique qui était défendu et puis rapidement par la suite, c’est un principe qui sera un peu abandonné.
De fait, c’est ce qu’on veut rappeler aujourd’hui. La citoyenneté locale, c’est essayer de constituer une communauté au sein de la ville, un communauté politique, qui souhaite baser son projet sur les libertés et l’égalité en droit. Une pratique concrète, finalement, du droit à la ville pour toutes et tous. Ce projet, on souhaite qu’il soit porté de manière inconditionnelle et on souhaite que ces citoyens, citoyennes, auxquels on a trouvé un nom « habiteur » et « habiteuse »… Alors qui a pu faire sourire lors d’un précédent conseil municipal mais qui était tiré d’un très joli texte de Thierry Paquot qui est un architecte urbaniste que l’association LALCA nous avait lu, et qui finalement s’interrogeait sur les sens du mot « habitat », « habiter », sur la question de l’ « habitus » et même de l’ «habit », ce sont des mots qui ont toutes la même origine et finalement l’habiteur c’était quelqu’un qui avait des habitudes dans une cité. Et on trouvait que c’était une jolie marnière de pouvoir rappeler que pour être citoyen il fallait vouloir aussi s’engager pour sa ville et que strictement son logement n’était pas forcément la condition suffisante pour participer.
On souhaite donc promouvoir cette égalité en droits sociaux, économiques, culturels ; en droits civils et politiques, même si ce sont des combats qu’on ne pourra pas que porter au niveau municipal mais qui sont des combats historiques, en tout cas de la gauche et depuis de très nombreuses années. Et on souhaite que cette carte puisse être le symbole de ce combat, que ce soit un lien entre les habiteurs, les habiteuses et la ville, et que ce lien puisse permettre à d’autres aussi de nous rejoindre, et c’est le projet de ce rapport également, que de créer un système local de solidarité, que ce soit avec les personnes qui le souhaitent mais aussi avec les commerces, les entreprises, les associations, et que de ce réseau on puisse continuer à faire vivre ce droit à la ville pour toutes et pour tous.
J’ai le grand honneur de présenter ce rapport, et j’associe également Antoine PELCÉ et Agathe FORT et les services de la ville à ce travail qui a duré plus d’un an et demi, et qui s’inscrit dans l’histoire longue à mon avis de Villeurbanne. Et j’en suis très heureux.
Prise de parole après les interventions
Déjà je remercie mes collègues (de la majorité en tout cas) pour leurs interventions et leur soutien.
Monsieur KABALO, juste pour répondre en deux mots. Je suis un peu gêné pour vous si « élaborer les politiques publiques municipales », la « lutte contre les discriminations », « l’égalité en droit » ou la « communauté politique » sont des mots que vous avez du mal à comprendre en tant que premier adjoint de cette ville. En tout cas, j’aurais espéré que vous en ayez quelques restes, c’était il n’y a pas si longtemps.
Peut-être, la question de la novlangue me fait un peut sourire parce que pour un membre d’un parti qui a fait de la start-up nation et des anglicismes et même du double-langage sa spécialité, parler de novlangue est je trouve un peu croquignolesque comme on dit chez vous.
Sur la question de l’offre culturelle et de ce qu’a fait la ville de Paris, effectivement c’est une réflexion qu’on a eue avec le groupe de travail de départ en se disant « C’est une carte qui est bien pour tout le monde ». Vous pouvez dès demain ou dès la fin du conseil la demander si vous le souhaitez. Et sur la question des offres et ce qu’elle permet d’obtenir (on va dire en complément du lien symbolique que j’ai pu exprimer), c’est un travail qu’on veut mener. On a décidé de ne pas commencer par celui là mais en tout cas c’est une vraie réflexion qui peut être menée et on a des groupes de travail qui continuent de se réunir avec les personnes qui depuis le début imaginent construire cette citoyenneté locale. Donc n’hésitez pas à nous rejoindre avec vos bonnes idées, en tout cas vous faites partie de cette communauté politique qu’on espère défendre ; ses valeurs d’égalité en droit en tout cas je l’espère puisque mes collègues me le rappelaient, mais la loi immigration a malheureusement montré que ce n’est pas un acquis et qu’il va falloir se battre jusqu’au bout pour maintenir et garantir cette égalité.