Par Mathieu Garabedian
Je viens présenter aujourd’hui devant le conseil municipal notre candidature à un nouveau Territoire Zéro Chômeur Longue Durée sur la Ville de Villeurbanne au sein du quartier des Brosses.
Pour commencer par quelques éléments de contexte, je veux indiquer que cette candidature a été permise par une nouvelle loi votée le 14 décembre 2020 qui permet le prolongement et l’extension de l’expérimentation de Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée. Elle va permettre à 50 nouveaux territoires de s’inscrire dans ce projet après avoir déposé un dossier de candidature. Le cahier des charges est tiré des enseignements des 10 premières expérimentations démarrées en 2016 dont le quartier St Jean Villeurbanne a fait partie. Il faudra ensuite attendre une validation du fonds national de l’expérimentation.
Avant d’entrer dans une description de notre démarche sur les Brosses, je souhaiterais d’abord rappeler l’intérêt que nous portons à cette expérimentation.
Sa promesse, c’est de permettre aux volontaires du territoire de trouver ou retrouver un emploi digne et à temps choisi, payé au moins au SMIC et en CDI. Son inspiration, c’est le droit à l’emploi tel qu’il est décrit dans le préambule de notre Constitution.
L’expérimentation s’appuie également sur un renversement sémantique des politiques de l’emploi : nous ne parlons plus de chômeurs, mais de personnes privées d’emploi. L’enjeu est donc d’inverser la charge de l’employabilité. Cette charge ne repose plus sur le futur salarié mais sur l’employeur. C’est pourquoi la règle est la non-sélection des salariés : ce ne sont plus aux personnes de démontrer qu’elles sont capables d’occuper un emploi, c’est à la société de montrer qu’elle est capable de proposer un emploi en CDI. Cette embauche en CDI est très importante quand on sait qu’en 2019, plus de 87 % des embauches en France se sont faites en CDD.
L’expérimentation peut aussi jouer un rôle dans le développement économique des territoires.
Pour ne pas citer que Villeurbanne St Jean, je voulais citer un entretien trouvé dans le journal L’Humanité de Daniel Le Guillou, vice-président d’une des entreprises à but d’emploi de la commune voisine de Thiers qui dit « On s’aperçoit que l’on est en appui de politiques publiques territoriales ou nationales émergentes, comme le diagnostic énergétique des habitations. Nos activités favorisent aussi la relocalisation de filières et mettent en avant le recyclage et les circuits courts. Cinq des dix territoires ont développé du maraîchage biologique. » C’est le cas de Saint-Jean.
Et il conclut : « du point de vue des acteurs locaux, on constate que l’emploi est désormais perçu comme le bien commun d’un territoire qui est capable de s’en emparer et de présider son destin. Ces expérimentations ont redonné le pouvoir aux instances locales sur une ressource rare, l’emploi, que l’on peut développer sans privatiser. »
Comme cela a été le cas pour le territoire de St Jean, la création d’un territoire comporte une série d’étapes essentielles.
Premièrement, il faut rencontrer et réunir tous les acteurs pour construire ce qu’on appelle un consensus territorial puis mettre en place un comité local de l’emploi rassemblant les élus locaux impliqués, des personnes représentant les structures du territoire, les entrepreneurs, les syndicats et les acteurs de l’insertion.
Le rôle du comité de candidature est donc de délimiter le périmètre exact de l’expérimentation et de constituer le dossier de candidature.
En parallèle, tout un travail est mené pour aller à la rencontre des personnes privées d’emploi et les associer au projet, pour recenser leurs compétences et leurs aspirations.
Nous travaillons donc depuis presque un an pour proposer cette expérimentation sur le territoire des Brosses et mobiliser les moyens nécessaires à sa mise en œuvre. Cette candidature s’inscrit pleinement dans la continuité du travail engagé au titre de la Politique de la Ville dans les quartiers populaires.
C’est un projet à part entière de développement social dans lequel les acteurs du quartier (habitants, associations, entreprises…) se sont dit prêts à s’engager comme ils l’ont montré lors du premier comité de candidature tenu le 23 juin dernier aux Brosses.
Les Brosses pour rappel, c’est un quartier d’environ 8000 habitants avec à la fois des habitats pavillonnaires et collectifs. Il fait partie du projet urbain métropolitain du Carré de soie et nous l’avons choisi car bien que le tissu économique y soit important, le quartier continue à connaitre des difficultés liées à l’insertion professionnelle. Le taux de pauvreté peut atteindre 36% dans certaines parties du quartier et le taux de bénéficiaires du RSA est supérieur à 20% sur l’ensemble du quartier.
Le volontariat se fera au sein des habitants du quartier prioritaire mais la dynamique territoriale, elle, s’étendra sur le nouveau périmètre du Conseil de quartier. Et nous imaginons également l’inclusion d’acteurs économiques à la lisière des Brosses comme le Médipôle ou encore le Pôle Pixel.
Depuis ce printemps, une équipe a donc été constituée et est coordonnée par une cheffe de projet recrutée à cette occasion. On retrouve au sein de cette équipe les directions de la Ville portant les politiques de développement économique, d’emploi et d’insertion, et les politiques de développement des quartiers populaires. Sont également représenté la Maison de quartier des Brosses, la Maison sociale Cyprian – Les Brosses et sa permanence Emploi formation, le Conseil de quartier ou encore des associations d’éducation populaire tel que les 3D.
Nous souhaitons évidemment inclure dans la dynamique les structures de proximité telles que la Maison des services publics, l’antenne de la Maison de la Métropole de Lyon ou encore l’espace médico-social Saint-André.
Enfin l’équipe peut compter sur le soutien de la Métropole de Lyon et de la Maison métropolitaine de l’insertion et de l’emploi qui organise des temps d’échanges réguliers avec les autres territoires candidats de la métropole.
Aujourd’hui, nous avons rencontré tous les acteurs de l’insertion du territoire et depuis plusieurs semaines, nous poursuivons la mise en réseau des entreprises et des associations avec des temps d’échange avec les habitants.
Une première rencontre collective a eu lieu au début du mois au collège Lamartine avec une vingtaine d’habitants. Pôle emploi, la mission locale, la permanence emploi formation et l’association Solidarités Nouvelles face au chômage étaient présentes pour réaliser les premiers entretiens avec eux.
Nos ambitions sont grandes pour ce nouveau territoire zéro chômeur longue durée. Et bien sûr, nous souhaitons travailler conjointement avec les personnes engagées sur le territoire du quartier St Jean pour de nombreux sujets d’amélioration: la formation professionnelle des salariés, la santé au travail, l’articulation de l’expérimentation avec la vie et le développement des quartiers, les modèles de gouvernance coopérative, l’accompagnement global des salariés sur des problématiques diverses. La formalisation de ce travail sera menée lors de différents ateliers, organisés avec l’équipe et les habitants.
La consolidation du dossier de la candidature va bien sûr se poursuivre. Nous allons continuer à rencontrer les nombreux acteurs du territoire et un temps fort aura lieu le 9 novembre 2021. Il s’agira de la grève du chômage, organisé avec la Mission locale, la structure ACOLEA, la Maison Quartiers des brosses et les habitants impliqués.
Le prochain comité de candidature est prévu le 25 novembre pour un dépôt du dossier au début de l’année 2022. La candidature fera l’objet d’une phase d’analyse d’une durée maximum de 3 mois à laquelle le fonds national d’expérimentation émettra un avis.
Je vous remercie.