Par Mathieu Garabedian
En 1989, un nouvel exécutif issu du Parti des Travailleurs de la ville de Porto Alegre lance le premier budget participatif. Ce nouvel outil de la démocratie locale doit permettre de redéfinir le rôle politique et social des citoyens et citoyennes. Les premières réunions n’attirent pas grand monde et pourtant, assez rapidement, les habitants des couches les plus populaires, traditionnellement en retrait des processus démocratiques, se mettent à s’intéresser à cette initiative. Ils y trouvent un moyen efficace pour une redistribution réelle des richesses et la lutte pour une justice sociale. En quelques années, c’est notamment le raccordement au réseau d’assainissement et la construction de nouvelles habitations qui est permis pour de nombreux foyers populaires.
Cet exemple historique a un retentissement important notamment dans la construction des mouvements altermondialistes et arrive en Europe quelques années plus tard.
La délibération d’aujourd’hui lance donc cette initiative sur Villeurbanne. Et nous espérons que comme à Porto Alegre, les habitants et habitantes se saisiront de cet outil, le transformeront même et participeront ainsi plus directement à l’évolution et à l’aménagement de Villeurbanne. À l’heure d’une abstention électorale massive, donner un rôle actif aux citoyens dans la fabrique de la ville et dans la vie de quartier est primordial.
Mais comment nous assurer que tous souhaiteront et pourront participer ?
Nous pensons, tout d’abord, qu’un montant conséquent est essentiel. 6 millions d’euros sur le mandat, c’est bien sûr beaucoup et c’est un très beau début, mais c’est finalement loin de notre budget d’investissement global. Il sera très intéressant de voir comment les citoyens et citoyennes s’empareront de cet outil et qui sait, demain, d’imaginer que le budget municipal soit partagé à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros avec les habitants ?
La qualité des instances de gouvernance, de contrôle et de décision est également un enjeu majeur. Aujourd’hui lancé dans une phase préfigurative, le budget participatif sera demain étudié par l’Assemblée citoyenne, pilier important de notre politique de démocratie locale. L’articulation entre ces deux objets démocratiques sera cruciale et assurera la pérennité de l’un et de l’autre par une vraie possibilité d’autonomie et leur capacité à réaliser des choses concrètes.
Enfin, un dernier facteur de réussite sera évidemment la communication la plus large de cette initiative. Il faudra alors s’appuyer sur chaque relai au sein des quartiers qui pourront aider et parler aux habitants du budget participatif et de ce qu’ils pourront réaliser ensemble. Je pense par exemple aux centres sociaux et aux associations d’éducation populaire qui jouent déjà ce rôle d’animation de groupes constitués autour d’idées pour leur quartier. Étant ouverts pour toutes et tous dès l’âge de 11 ans, ils pourront rassembler largement et permettre au plus grand nombre de proposer des projets correspondant à l’intérêt général au sein de leurs lieux de vie.
N’oublions évidemment pas que le budget participatif n’est pas une fin en soi ; c’est également un moyen pour redonner l’envie d’agir, pour que les actions des gens aient des effets concrets sur leur vie. Nous ne pouvons qu’espérer que ces espaces de co-construction permettent aux habitants de faire naitre un engagement politique déterminé et durable. La création de ce genre d’outil nous impose alors la plus grande vigilance sur son fonctionnement et sa réussite afin d’éviter tout sentiment d’exclusion et de repoussoir, ce qui entacherait à terme leur volonté d’engagement.
Pour conclure, nous saluons l’arrivée du budget participatif au service de la démocratie directe et de redonner le goût de la politique. Nous resterons donc attentifs pour que ces deux objectifs soient bien remplis.